Déréalisation
Allongée comme ça, je rêve en fixant le plafond. Sans rien dire, j’ai enlevé mon t-shirt d’un mouvement sec. Je ne porte pas de soutien-gorge. Pourquoi devrait-on ressentir de la gêne à être nue ? Je refais le monde à mon image. Je voudrais pouvoir débarbouiller le ciel de plastique gris rien qu’en passant la main devant les yeux pour changer la couleur du monde. - Ne bouge pas. A demi nue, je reste là. Le temps s’est arrêté. Quel âge a-t-il ? Est-ce qu’il veut coucher avec moi ? Pourquoi moi ? J’aimerais caresser ce corps inconnu. Je m’imagine couler dans les eaux du fleuve. Les poissons vont entrer dans ma bouche et remplir mon ventre. Le froid va m’engourdir. Il n'y aura plus aucun bruit que celui de la lumière qui fend le remous du fleuve. Depuis le fond, je verrai les gens pressés défiler sur le pont. Les gens courent partout. Un jour ils vont foncer dans les murs. Je veux disparaître pour ne jamais devenir comme eux. - Tu n’es obligée à rien avec moi. Je veux juste figer ce moment. Depuis le fond j’imagine son corps enlacer le mien. Ses bras comme les algues s’enroulent autour de moi. Il me retient pour que je me noie. Parfois chez moi, je remplis le lavabo d’eau et je plonge la tête dedans. Alors, je me mets à hurler de toutes mes forces. Mes yeux deviennent opaques. J’ai tourné la tête pour le voir. Je ne distingue plus les formes. La boue du fleuve crée un voile de protection contre les images du haut et les crampes envahissent mon cœur. J’aime les angles de son visage, ses mains soignées, la cicatrice sur sa joue. Il peut bien passer sa vie à m’observer, c’est moi qui mémorise le moindre de ses gestes. - Reste avec moi. Ses lèvres froides se posent sur moi. Je sens ma respiration s’altérer et mon souffle se couper. Je veux que cet instant soit le dernier. Il ne me sauvera pas.
Photographies argentiques noir et blanc (TriX 400) colorisées. Tirages fine art limités à 3 exemplaires (tous formats confondus).