L’interstice relationnel artiste/muse, la fameuse, enfin muse... j’aime pas trop ce mot, il est très lourd dans l’histoire de l’art. C’est compliqué. Mais le simple fait que Damien m’ait demandé très vite, sur la terrasse du café, là, où tout a commencé -enfin ça avait commencé déjà un peu avant. Attend! je te raconte juste après- d’écrire pour témoigner de l’expérience ça m’a soulagée, car ça m’a donné l’espace pour être matière qui existe par elle-même, bien plus qu’à travers le regard du photographe qui pourrait me plaquer en 2D .
Je parlais d’avant... Damien je l’ai rencontré sur un tournage, y a déjà 5 ans maintenant! Voilà moi mon parcours, c’est la succession d’rencontres. A cette époque, on avait papoté. Il ne le savait pas juste à temps que je lui dise mais, je savais qu’on finirait sûrement par faire un truc un jour, que ça irait plus loin qu’un café, enfin que la rencontre nous apporterait quelque chose. On était assis en face à face, à la terrasse du café à la sortie du métro de Ménilmontant. J’avais peur. J’étais angoissée et stressée. Je voulais presque que tout soit déjà passé, être le lendemain du maintenant. C’est vrai ! je voulais qu’il me trouve jolie. A l’intérieur, je bois ma limonade, c’est flou. En curator imaginaire, j’ai mon rockeur, pour me protéger des limites que je veux saisir pour tracer le sillon de mes désirs.
J’avance dans ma quête de l’intime, je récolte la bouffe pour alimenter ma chair créative. Il est devant moi, il boit déjà. Damien enveloppé il me crédite d’ces excès d’mal traité. Ça vient de loin. Je t’écoute. Je me mets à boire le rouge. On échange. Je sais plus les enjeux. On va à l’appartement prévu pour la séance photo, c’est presque comme sortir en fugitive avec un amant. Ouf l’appartement est classe, et ça c’est important. Je suis super intimidée que je lui sors, on avait de suite dégainer l’appareil. Pour m’assurer des frontières, parce que c’est flou l’interstice, je sais je connais, je négocie des trucs. Par exemple, bah là dans notre deal fallait qu’il me fasse un portrait noir et blanc, pour que j’accepte qu’il me shoote pour son projet. On oublie l’appareil, pour reprendre du rouge. Vas y je t’écoute. (Curator entre les lèvres il s’impose de lui-même. Il est là depuis quelques mois déjà celui là. J’arrive pas à savoir si je l’aime, chais pas c’est compliqué).
Ça me fait du bien, on discute et on parle. Ça ne s’arrête plus. Les mots coulent sur la rive rouge. Ça va je suis pas tendue. Je suis bien. Ça me fait du bien de discuter avec un homme. J’adore en fait. Il me raconte sa vie. (La discussion s’entrecroise régulièrement avec celle de la présence invisible et invincible de l’âme imaginaire qui me poursuit depuis quelques mois déjà celui là. J’arrive pas à savoir si je l’aime, chais pas c’est compliqué).
Damien. Maintenant je te connais un peu plus. La bienveillance de connaître des clefs de tes excès de mal traité. (je te connais un peu plus, oui toi aussi, encore. J’arrive pas à savoir si je t’aime, chais pas c’est compliqué). La soirée se passe. On a bu presque tout. Le rouge en nous, on finit ivresse des nudités sous la douche. Des photos sont prises. L’homme photographe devient l’homme sexy de son objectif, c’est peut être déjà sexuel ? Quelle mise en scène et quelle signification dans toutes ces prises. La femme sur le canapé, la femme dans la cuisine, la femme dans l’appartement, la femme de l’intérieur, c’est emmêlé. J’ai la limite de mon sillon. Pardon. Puis toujours le flou de l’interstice. Jusqu’à trouver satisfaction dans mes actions
Anne Marcairet